Voyage vers Orr - A bord de l'Indomptable

Le jour de l’embarquement, Draghan s’était présenté sur l’appontement, au petit matin. Il trainait avec lui une caisse de matériel qu’il avait fait apporter par quelques ouvriers payés en conséquence. Alia était là aussi, postée en hauteur sur la vigie de l’Indomptable. Prenant son envol, elle eut tôt fait de rejoindre son compagnon pour se poser sur son épaule.

Formalités faites, ouvriers payés, tous deux furent accueillis par le Capitaine de Caledorn qui s’empressa de les faire monter à bord. Une présentation rapide des lieux, un espace pour se reposer avec l’équipage, il allait falloir s’habituer rapidement aux hamacs, au peu de place et aux autres impondérables liés à un navire de combat.

Certes, Draghan comme Alia étaient habitués aux conflits mais sur terre ferme ; la caserne, la restriction de l’espace de vie, la nourriture et la rigueur ne les effrayait pas. Il y avait juste d’autres conditions, d’autres paramètres à prendre en compte dont le tangage, le vent… le ressac, le grain…

Autant d’inconnues pour l’un comme pour l’autre.

Pourtant, ils avaient lu tous deux des histoires de marins, de fiers équipages, de corsaires, de pirates. Certains mots, certains ordres pourraient leur évoquer quelque chose mais pour le reste, ils demeureraient bien perdus en cas de problèmes. Devrait-on basculer les hamacs sur le bastingage si le Branle-bas était ordonné ? Pouvait-on vraiment récupérer quelqu’un s’il tombait à la mer ? Et en cas de tempête ?

Le capitaine de Caledorn posa quelques questions à Draghan et, avisant des réponses, lui donna quelques instructions claires. C’est à la Vigie qu’il monta, non sans mal et sans difficultés, arpentant l’échelle de corde pour se retrouver rapidement au plus haut point possible au dessus de la mer…

Alia n’eut aucun mal à s’y retrouver, grâce à sa condition d’Aigle, mais ce ne fut pas là qu’elle choisit d’aller la plupart du temps. Silencieuse, par force, elle pouvait rester des heures, immobile sur le pont, observant les allées et venues, les actions, gestes et réflexes de l’équipage. Attentive, sans doute apprenait-elle quelques termes pendant que Draghan en faisait tout autant avec la Vigie présente tout en haut du Mat….

Ce fut une première journée de voyage avant que les rôles ne s’inversent au matin.

La gardienne fit alors le choix de rejoindre la proue du navire. Elle avait préféré se placer dans le sens de la marche, observant l’horizon, profitant du vent, de la vitesse confortable du navire. Elle n’avait pas été malade comme elle l’avait redouté. Non, nulle sensation étrange, nul malaise, rien qui ne lui fasse traverser un pénible moment.

Draghan à ses côtés, fidèle et impassible, elle observe la lointaine ligne d’horizon qui jamais ne s’estompe. Elle songe paisiblement au matin du départ, aux épreuves passées et à celles à venir. Aimante, elle se presse contre son compagnon et se serre fort contre lui. Il y a des mois, elle avait fait la promesse au Capitaine de parcourir les flots à ses côtés pour de bonnes raisons. Jamais elle n’aurait pu imaginer que ce fut avec Draghan, qu’il aurait été ramené par le concours de tant de personnes. Et pourtant.

Elle l’aime et le lui dit, le lui murmure au creux de l’oreille.
Il frémit et son regard se perd lui aussi vers le lointain alors que le navire file toujours plus vite vers le sud.

Au même moment...

Raeniel sourit à l'Asura.

Permission accordée, Sigg. A vrai dire, j'espérais bien que tu irais faire un tour. J'ai prévenu Maître Eirrion de te laisser libre accès aux pièces. Si tu as des idées pour améliorer tout cela, n'hésite surtout pas...

Quelques jours avant l’embarquement.
Dans le bruissement de la soie et le désordre organisé.

Confortablement installée dans l’un des fauteuils crapaud de sa petite demeure, les jambes appuyées contre l’accoudoir, son dos accoté à l’autre, l’adolescente contemple indifférente le fouillis au milieu duquel s’affaire son majordome. La pièce est jonchée de tenues éparses, de livres oubliés sur des meubles ou sur le plancher. Des feuillets manuscrits trainent sur le sol. Des toiles vierges sont roulées et abandonnées sur le lit en compagnie de diverses boites en bois, laqués finement ouvragés mais tachées de couleurs, contenant les pigments et mélanges nécessaires à l’artiste.

- Pourquoi ne pas m’avoir attendu, Dame … regardez moi cela !

Bien qu’il parle d’un ton neutre, la précision sèche des gestes dévoile une pointe d’agacement à l’encontre de sa patronne. Rapidement, il déballe les vêtements jetés en boules dans la malle. Puis avec soin il les plie et s’acquitte de la tâche ingrate de mettre de l’ordre dans le capharnaüm ambiant.

- Parce que sinon vous vous seriez ennuyé. Tout était si bien rangé que faire ces malles aurait été un exercice bien trop facile pour vous. Vous devriez me remercier cela vous garde vif et alerte. Au fait Valentin … vous pesez combien ?

L’homme se tourne vers la jeune fille et pose sur elle un regard emprunt de curiosité polie. Il l’observe s’étirer langoureusement et exhaler un halo de fumée opiacée.

- Je comprends. Vous vous dites que mon poids en cas ou je serais considéré comme l’une des fournitures nécessaires à votre survie vous obligerait à laisser derrière nombre d’objets bien plus important à vos yeux que ma personne.

Les yeux mi-clos, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres délicatement maquillées. Elle rejette doucement sa tête vers l’arrière aspirant lentement sur l’embout en jade de son fume-cigarette. Au bout de quelques instants sa voix douce mais indifférente s’élève, teintée d’une noté amusée.

- Vous me comprenez si bien. Mais plus sérieusement, je songeais plus à profiter de votre droit à amener avec vous 40 livres sur le navire. Après tout vous n’avez pas besoin de grand-chose. Une tenue de rechange suffira.
- En fait, Madame, mais je pensais que mes talents seraient bien plus utiles ailleurs.
- Vraiment ? Voyons voir ça.

L’homme sourit alors qu’il croise le regard améthyste de celle pour qui il travaille. Toute trace de nonchalance effacée, elle le scrute avec attention …



Brise et aube naissante.
Premier pas à bord d’un navire.

Les deux malles de la demoiselle attendaient patiemment sur l'embarcadère.
- Madame ?

Un peu gêné l’homme chargé de surveiller l’embarquement des paquets des membres de la Compagnie s’approche de la jeune fille au regard absent. Il toussote légèrement avant de s’adresser à elle.

- Je crains qu’il ne vous faille faire décharger un de vos bagages, Madame. Les ordres sont formels.
- Oh ! Je n’ai qu’un coffre l’autre et celui de mon majordome. Son nom doit être présent sur la liste « Valentin Lockwood »
- Oui en effet. Par contre il loge avec le reste de l’équipage…
- Je vois, faites poser ses effets dans ma cabine. Après tout, il faut bien rendre service à son personnel parfois.

Adressant un ravissant sourire au marin, l’adolescente franchit prestement le ponton la menant sur le pont du navire. Elle étudie un moment les lieux puis se dirige vers le gaillard avant, s’accoudant au bastingage pour attendre le départ qui ne saurait tarder...

Raeniel fronça les sourcils, songeur.
 

"Merci de m’avoir prévenu, Sigg. Ce n’est sans doute rien, en effet. Toutefois… il serait bon que nous en parlions avec les autres agents. Je vais les convoquer dans ma cabine, retrouve moi là-bas dans dix minutes."

 
Habituellement soigneusement ordonnés, les Quartiers du Capitaine semblaient avoir été victime d’une sorte de tornade. Deux malles gisaient, ouvertes l’une sur des vêtements féminins, l’autre sur divers livres et ouvrages. Ici et là, de petites taches de peinture laissaient deviner l’artiste qui séjournait ici… Raeniel se tenait debout, penché sur une carte couverte d’annotations et de tracés. Derrière lui, par les vitres du château arrière, l’on voyait sans mal les navires du Pacte et, un peu plus loin, le Providence.
 
Son regard lamellé d’or se porta sur les agents de la Compagnie présents dans la pièce, tandis que Sigg finissait de répéter ce qu’il lui avait rapporté un peu plus tôt…

Des suites d’une escale mouvementée sur l’ile de Sud-Soleil, Alia avait retrouvé la quiétude du voyage en se plaçant encore une fois à la proue du navire, observant sans relâche l’océan, croisant de son regard la course de dauphins curieux et joueurs. Draghan n’appréciait pas vraiment cette position mais préférait sans doute la compagnie de sa belle à celle de l’équipage. Déjà qu’ils arrivaient tous deux à masquer les aléas de leur malédiction…

Depuis le départ, ils avaient pu voir à quel point la vie à bord du navire n’était pas de tout repos. Il y avait toujours à faire et même s’ils n’étaient pas de l’équipage, ils tentaient d’aider autant que possible, là où la logique et le bon sens n’avaient besoin d’aucun mot pour demander quoi faire.

Un équipage entrainé et solidaire ne peut pas perdre son temps avec des novices, il faut nommer quelqu’un pour s’occuper des jeunes recrues. Alia l’avait parfaitement compris, il lui était déjà difficile de ne pas se retrouver sur le chemin d’un marin lors d’une manœuvre quelconque, les espaces libres de tout mouvement étant rares à bord.

Ranger, déplacer, porter ; certes, cela restait dans la même gamme d’activités mais au moins la gardienne faisait quelque chose entre deux promenades sur le pont. Discrète, silencieuse, elle ne changeait pas vraiment de ses habitudes sur terre, observant avant de parler, solitaire et secrète, évitant d’être un poids pour les autres.

Elle eut à visiter, dans la limite du possible, d’autres lieux emblématiques comme le pont d’armement et le château arrière. Habitudes, croyances et manies de marins, certains canons avaient été nommés par des appellations étranges mais qui ne laissaient aucun doute sur leur ‘’attitude’’ en combat. Gueule hurlante, Vrilleur ou encore Pête-coiffure, l’équipage ne manquait pas d’imagination pour sympathiser avec des armatures métalliques sans âme.
On vint la sortir de ses rêveries, un marin qui se présenta à elle poliment.
- Madame ? Madame ? dit-il en insistant un peu. Le capitaine vous demande dans ses quartiers.
La gardienne eut un léger sursaut puis inclina la tête en guise de remerciements. Elle se dirigea vers le château arrière tout en prenant acte auprès de Sigg des raisons de cette convocation. La porte était ouverte et c’est naturellement qu’elle entra, constatant alors qu’elle n’était pas la seule s’y rendre.

- Capitaine ? fit-elle en saluant, je suis à vos ordres.

Elle adressa quelques salutations à l’ensemble des personnes présentes, des échanges protocolaires sommaires, puis elle prit la parole.

- Je ne sais si ce que Sigg à vu est une bonne ou une mauvaise nouvelle, dit-elle avec assurance. Le simple fait que l’on puisse vous surveiller dénote de l’attention dont vous faites l’objet.

Elle avança de quelques pas comme pour donner plus de mesure et de poids à ses mots, jetant un œil à la décoration de la pièce, s’attardant sur quelques cartes et autres instruments étranges.

- Ce que vous faites, d’une manière générale, l’importance de la compagnie, la mission d’escorte mais aussi l’exploration en terre Orrienne, tout cela montre bien que l’on vous considère avec sérieux ; Et que l’on veut savoir sans vous demander.

Elle marqua une pause, tournant son regard vers le capitaine avant de poursuivre :

- En dépit de mon manque d’expérience, je ne pense pas que nous aurons des ennuis en mer, si on excepte avec les forces de Zhaïtan. Il faudrait être fou pour s’en prendre ouvertement à autant de navires, risquer quoi que ce soit avec l’Arche du Lion et les 3 ordres présents à Fort Trinité. Non, fit-elle en fermant les yeux. Si adversaire il y a, nous aurons sans doute à le croiser ou à redouter ses plans sur terre, là où il n’y aura que nous à contrecarrer…

La gardienne croisa les bras, adoptant une posture attentive et alerte aux réactions que ses propos allaient susciter...

Accotée sur le gaillard avant, la demoiselle se trouvait aux premières loges pour admirer les nouveaux invités au ballet maritime. Derrière elle, les cris des marins et les bruits des préparatifs pour le combat.

Pour le moment, les navires ennemis se trouvaient trop loin pour qu'elle puisse faire quelque chose.

Toutes voiles dehors, l'Indomptable filait vers l'ennemi. La voix de Raeniel s'éleva :

"Compagnons !

Regardez ce qui nous fait face ! Voyez le Faucheur, et ces trois navires moribonds que nous aurons bientôt envoyé par le fond ! Zhaïtan doit être bien à court de combattants, il n'a trouvé que de vieux bateaux délabrés que nous avons déjà vaincu !

Quelques rires fusèrent parmi les marins, certains plus nerveux qu'autre chose.

Le combat sera âpre, oui. Certains d'entre nous ne verront pas l'aube se lever, je ne le sais que trop. Mais une fois encore, nous affronterons ce danger ensemble. Et une fois encore, nous vaincrons ensemble ! Ce soir, mes amis, nous festoierons. Ce soir, j'offre une tournée de rhum pour fêter notre victoire !"

"AHOY !" Cria le Premier Lieutenant.
"AHOY", reprirent en cœur les membres de l'Indomptable avant de prendre leurs postes de combat, prêts à en découdre.

Sigg sourit, se dirige vers la proue et interpelle la vingtaine d'artilleurs, ce qui faisait cinq canon sous ses ordres. Devant les regards interrogateurs des marins, il secoua sa main devant lui en faisant : "Bah !".

Puis il redonna ses ordres, demandant aux marins de charger les boulets à chaînes. Eirrion avait été clair dans son introduction au combat maritime, et Sigg en avait retenu la morale en ces mots : "Un bon enn'mi est un enn'mi infirme. Exploses l'mât avant d'exploser l'reste, ca dure plus longtemps comme ca !"

La leçon devait être plus sage que ca, mais c'est tout ce que Sigg avait retenu.

____

Une fois les navires à portée, il ordonnera aux marins sous son commandement de faire feu en direction des mâts du navire

Pendant ce temps, Alia se tenait sur le pont, attendant les premiers échanges.

Elle avait aidé à la construction du Branle-bas, et a tout ce qui pouvait demeurer utile face à ce qui se présageait.
Draghan de son coté était allé se placer dans le chateau arrière, non pas pour fuir, mais un loup serait beaucoup plus utile si d'aventure des créatures entraient à l'intérieur du bâtiment.

Immobile, cachée, attentive, Alia eut un dernier réflexe avant qu'il ne soit trop tard, empoignant son tome de courage se préparant a soutenir du mieux possible les marins.

Il ne restait plus qu'a attendre...

Le membre 'Sigg Sauer' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'1D10' :

Résultat : 8, 8, 7, 4, 10